Pourquoi les chats boudent-ils ?

Souvent le chat qui vient de se faire réprimander tourne les talons et refuse avec dédain de regarder ses maîtres. Voici comment un propriétaire décrit cette manière qu’il a de vous « battre froid » : « Il tourne le dos, s’assoit avec soin et ostentation, et refuse de répondre comme d’habitude lorsqu’on l’appelle par son nom, bien qu’une de ses oreilles soit tournée vers l’arrière. »

Ce comportement, observé fréquemment lorsque l’animal a été puni et corrigé plus ou moins sévèrement, prend des allures de bouderie hautaine. Mais que fait réellement le chat?

Une infériorité sociale

Il ne s’agit pas, pour lui, d’une « blessure d’amour-propre », comme le croient ses maîtres. Cette attitude révèle simplement son infériorité sociale. Sa hauteur est apparente, non réelle. Certains humains ont du mal à accepter cette vérité, parce qu’ils éprouvent un énorme respect pour leur petit félin. Mais ils négligent un fait aux yeux du chat, le maître est un géant, qui le domine sur le plan psychologique.

Lorsqu’un chat se conduit mal, mettant son maître hors de lui, le chat se sent menacé. La colère du maître suscitée par une bêtise du félin s’accompagne généralement d’éclats de voix et d’un regard fixe. La fixité du regard intimide beaucoup le chat, dont la réaction instinctive sera d’éviter la vision hostile de ces yeux. C’est pourquoi il tourne le dos de manière délibérée et refuse de regarder de nouveau le visage irrité. Voilà comment s’explique ce dos tourné avec cet air de dignité offensée.

Deux avantages à ce comportement

Ce geste est en fait destiné à faire cesser cette vision d’un visage hostile qui se dessine au-dessus de lui. Il offre un double avantage : il atténue la peur éprouvée par le chat et lui permet de rester là où il se trouve, plutôt que de s’enfuir très loin. Il évite également au chat de fixer à son tour ce regard, ce qui serait une attitude de défi qui se traduirait sans doute par d’autres réprimandes.

L’importance de cette réaction à la fixité du regard se remarque dans la vie sociale des félins, en particulier quand deux chats s’opposent dans un conflit mettant en jeu leur statut social. Le chat dominant garde l’œil fixé en direction de son rival. Le chat subordonné, s’il veut rester sur ses positions, détourne ostensiblement le regard et fait bien attention à ne jamais croiser le regard de son supérieur hiérarchique.

Dans le monde des humains, ce regard fixe et menaçant est devenu un rituel des grands matches de boxe. Quand l’arbitre s’adresse aux deux adversaires, juste avant le premier round, chacun des boxeurs regarde l’autre en plein dans les yeux. Aucun des deux n’ose détourner le regard, au cas où l’autre pourrait y voir un signe de faiblesse.

Ceux qui mettent en doute cette interprétation pourront effectuer, lors de leur prochaine visite dans un zoo, cette simple expérience, imaginée par un grand spécialiste des chats, Paul Leyhausen. Celui-ci a pu démontrer le pouvoir d’un regard fixe en se postant devant la cage d’un tigre et en se cachant les yeux. En fait, ses yeux étaient dissimulés par un appareil photo, mais lui pouvait suivre les gestes du tigre. L’animal s’accroupit, prêt à attaquer, puis il s’élança à travers la cage dans la direction où se tenait Leyhausen. Comme l’animal s’approchait, d’un geste vif, il rabaissa l’appareil et fixa d’un regard vide, droit dans les yeux, le grand félin. Cela coupa court son élan et il détourna rapidement la tête pour éviter le regard braqué sur lui. Dès que les yeux de l’observateur disparurent de nouveau derrière son appareil photo, l’animal repartit à l’attaque, attaque qui avorta dès que reparut le regard fixe. Il put répéter à plusieurs reprises le même processus.

Sans compter que cette constatation peut être mise à profit pour qui se trouve inopinément face à face avec un grand félin, ce schéma de comportement explique comment les dompteurs de lions dans les cirques procèdent pour dominer leurs compagnons. Un regard fixe de l’entraîneur, et les animaux détournent le regard, en restant placidement avec un air boudeur à leur place.

Le phénomène du regard fixe
Le phénomène du regard fixe menaçant explique également une autre particularité du comportement des félins. Certains observateurs ont remarqué que les chats domestiques font preuve, d’une certaine manière, d’une intelligence surprenante lorsqu’ils chassent des petits oiseaux du jardin. Si la tête de l’oiseau disparaît derrière un obstacle, le chat fonce et bondit, comme s’il savait qu’à ce moment précis, l’oiseau ne peut voir sa course.  Pour que le chat tienne pareil raisonnement, il faudrait qu’il soit doté d’une faculté d’analyse remarquable. Mais l’explication est infiniment plus simple. Tant que l’œil de l’oiseau est visible, le « regard fixe » qu’il pose sur le chat bloque automatiquement l’attaque. Lorsque l’œil se trouve caché, par hasard, par un obstacle, le regard fixe disparaît et le chat peut attaquer. Des études sur le comportement des grands félins à l’affût révèlent une interaction identique. Lorsque la proie relève la tête et fixe le lion ou le tigre droit dans les yeux, celui-ci détourne les yeux d’un air penaud, comme s’il avait brusquement l’esprit ailleurs.

Autrement dit, pour la proie qui a le courage de rester sur ses positions et de regarder bien en face le lion prêt à bondir, il y a beaucoup à gagner. Sauf, bien sûr, si un autre lion arrive par-derrière…

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